Frédéric Bruly Bouabré, poète, prophète, inventeur d'écriture
Entré dans une librairie aujourd’hui à la recherche d’un exemplaire de « L’or » de Blaise Cendrars, mes yeux tombent sur la couverture de ce livre exposé parmi les nouveautés :
L’invention de l’écriture, par Philippe Bordas,
Editions Fayard
Je le feuillette et découvre les premières lignes :
« Il arrive que l’écriture naisse d’un humain, lettres et syllabes, qu’un alphabet naisse sous nos yeux.
Un enfant ivoirien fuit le travail forcé et devient le meilleur apprenti de la langue des Blancs.
Il décide d’offrir un alphabet à son ethnie privée de lettres et soumise aux lois d’Occident.
Il invente une écriture authentique d’Afrique et réalise la forme verbale de l’insurrection.
Je vais parler de Bruly Bouabré, poète, prophète, encyclopédiste, le plus fort exemplaire poétique vivant. »
En fait, le livre se présente comme un long poème en prose à la gloire d’un homme hors du commun: Frédéric Bruly Bouabré, ivoirien né en 1923, à Zéprégühé, dans la région de Daloa.
Suite à une vision céleste survenue en 1948, Frédéric Bruly Bouabré se consacra à donner à l’Afrique une écriture entièrement africaine. C'est aussi à partir de ce moment-là qu'il se fait appeler Cheik Nadro (le Révélateur ou "celui qui n'oublie pas").
Il fallait en effet un homme hors du commun pour oser ce que cet homme a réalisé : « inventer une écriture ». C’est-à-dire qu'il a donné une représentation graphique à une langue vernaculaire la sienne , le bété, parlé dans l'ouest de la Côte-d'Ivoire. Parce qu'il en est intimement persuadé: c'est par l'écriture que les anciens Egyptiens puis les Européens ont assis leur domination culturelle. Pour cette tâche, Bruly s’est inspiré de figures géométriques découvertes sur des pierres d'un village du pays bété. Il a ainsi élaboré un ingénieux alphabet, formé de 449 pictogrammes auxquels correspondent des syllabes, lui permettant de consigner les langues du monde entier.
Dans sa démarche universaliste, il s'adonne également à une quête poétique de signes qui expliquent le monde à partir de relevés sur l'écorce d'une banane, la forme d'un nuage ou des scarifications. Ses travaux, réalisés au stylo bille et aux crayons de couleur sur des petites cartes en carton, jouent à la fois sur l'écriture et le dessin. Ils contiennent une dimension philosophique, poétique et spirituelle et témoignent d’une connaissance encyclopédique. Bruly se définit lui-même comme « membre authentique de l'humanité et parent de toutes les races».
Ses oeuvres (contes, récits, poèmes, etc.) ont été publiées en à partir de 1958 par Théodore Monod, un autre être humain considérable.
Frédéric Bruly Bouabré poursuit aujourd'hui encore, à 87 ans, une œuvre prolifique née d'une révélation reçue il y a plus de soixante ans.
Pour retranscrire un destin aussi fabuleux, il fallait une écriture accordée à la beauté poétique du personnage. Ce que réussit parfaitement Philippe Bordas, d’après les quelques pages que j’ai eu le temps de lire…
Pour un aperçu plus complet sur l'oeuvre de Frédéric Bruly Bouabré cliquer ici.