De Gaza à Lorient
Le festival interceltique de Lorient 2014 s'est clos ce dimanche. S'il a connu, selon ses organisateurs, un succès proche de celui de l'édition 2010, avec environ 750.000 visiteurs et spectateurs, il est vrai que dans l'actualité de ces dernières semaines il a été éclipsé par d'autres évènements malheureusement moins réjouissants.
Parmi eux, le drame vécu par les habitants palestiniens de la Bande de Gaza. Prise sous le feu des bombardements meurtriers des forces israéliennes sur cette étroite portion de terre, véritable prison à ciel ouvert, la population gazaouie vit un cauchemar. Il est temps que cesse cette situation intolérable dont les victimes sont souvent des enfants... Souhaitons que la trêve déclarée dimanche se prolonge et que les négociations en cours au Caire sortent enfin de l'impasse et débouchent sur du concret... Il est temps surtout que cesse l'impunité dont bénéficie les dirigeants israéliens coupables de graves violations du droit international et responsables de véritables crimes de guerre. Lors du rassemblement qui s'est tenu à Lyon mercredi dernier, Gilles Devers, avocat au Barreau de Lyon, a exposé les circonstances et les enjeux de la plainte déposée auprès de la Cour Pénale Internationale. Cette plainte a toutes chances d'aboutir, malgré les difficultés politico-juridiques, spécialement les pressions exercées par plusieurs gouvernements occidentaux... Voir ci-dessous.
Au fait, il existe bien un lien entre Gaza et le festival interceltique. Je l'ai découvert grâce à une émission sur Arte. Il s'agit d'un reportage effectué par Vincent N'Guyen pour son émission "Par avion", dans la région des Highlands en Ecosse. Au cours de son périple, le reporter rencontre un artiste, professeur de cornemuse qui lui raconte l'histoire de cet instrument emblématique de la musique celtique, instrument vedette du défilé des bagads à Lorient.
La cornemuse, sous des formes et des noms très divers est un instrument répandu dans tout le pourtour méditerranéen : highpipe écossais, uillean pipe irlandais, biniou breton, cabrette auvergnate, mezwed tunisien, tulum de Turquie, zampogna d’Italie du Sud, gaita de Galice, etc... C'est que cet instrument a une histoire très ancienne qui remonte à l'Antiquité. Instrument pastoral à l'origine, l'ancêtre de la cornemuse serait née en Orient, et plus précisément selon cet interlocuteur, dans la région de Gaza !
J'ignore si les musiciens palestiniens utilise encore un instrument qui serait l'héritier en ligne directe de cet ancêtre. La chose n'est sans doute pas impossible. En effet, à côté du "mezoued" tunisien ou du tulum turc, on rencontre dans tout le Proche-Orient un instrument de la famille des anches, à l'origine taillé dans le roseau. Instrument à vent à anche double il reçoit diverses appellations (zurna, zokra, surnay, zamr, zamour ou encore algaita, ghaita, rhaita, etc... selon qu'on le trouve en Egypte, Tunisie, Turquie, Liban, Syrie, Irak, Iran.. ou Afrique du Nord...
Dans le contexte du drame que traverse le peuple palestinien depuis tant d'années, j'ai reçu comme un petite lueur d'espoir cette nouvelle que Gaza - dont on connaissait déjà les trésors d'histoire - pourrait être le berceau de la cornemuse. Certes, à une époque récente, l'instrument a été réquisitionné par des militaires sur des champs de bataille. Mais cette utilisation "guerrière" ne représente qu'un malheureuse parenthèse. Après avoir été un instrument de bergers, la cornemuse a surtout servi à accompagner et faire danser de nombreux peuples de la Méditerranée à l'Europe du Nord au cours des noces, bals et fêtes populaires qui jalonnaient leur existence collective... A l'image du festival interceltique, la cornemuse et ses cousins sont devenus aujourd'hui un symbole de la rencontre des cultures et de l'amitié entre les peuples. A Gaza - comme ailleurs - le timbre puissant de la cornemuse arrivera-t-il à faire taire un jour enfin le fracas des armes ?